Hektor est un dispositif – un bot – qui réalise des œuvres à partir de photographies d’Isabelle Gagné et de celles proposées spontanément par les citoyens du village de Saint-Camille. Il détourne l’usage d’un algorithme de traitement neural, destiné normalement au transfert de style artistique, pour utiliser des images de sources locales qui témoignent du quotidien du village : des photos partagées par les citoyens et des images captées via des caméras de surveillance disposées dans la ville. Aléatoirement, le dispositif intégrera également des mots ou des phrases tirées de l’œuvre du poète camillois Gaston Gouin. Ce dernier a écrit cette phrase qui incarne le principe à la base du projet et de la « démarche » d’Hektor : « L’art est un geste accidentel » (Temps Obus, les deux mains dans la cendre, 1963-1968). Par cette posture presque Dada, le projet s’en remet à un certain nombre d’aléas : la contribution des citoyens et celle des caméras installées dans le village, et l’algorithme du bot qui opère une mise en image.
La création de ce personnage fictif s’est ainsi construite : Hektor est à la fois Gaston Gouin, les citoyens de Saint-Camille, un artiste en devenir et un bot en mode « apprentissage machine ». C’est un peu tout le monde, mais c’est aussi le territoire et ce qu’il contient : routes, architectures, paysages – tous ces hectares qui constituent, en quelque sorte, l’ADN d’Hektor.
Mettant à l’avant-plan des problématiques liées à la surveillance dans l’espace public, à l’automatisation algorithmique de plus en plus présente dès qu’il y a connexion au réseau, et à la notion d’auteur lorsqu’il est question d’œuvre générative, Hektor dresse un certain portrait d’une communauté et interroge, du même coup, notre rapport au numérique et ce qu’il représente dans nos vies.
Texte Nathalie Bachand
Ce projet est une commande d'oeuvre de Sporobole centre en art actuel pour la triennale Espace [IM] Media. Diffusé jusqu'au 15 septembre dans le village de Saint-Camille et au P’tit Bonheur